Filioque

Le Filioque

Au sein de cet article, nous aborderons la question fondamentale du Filioque en théologie chrétienne qui divise tant les catholiques et les orthodoxes. 

Le mot filioque signifie "et du Fils" en latin, et fait référence à l'ajout d'une clause à la profession de foi du Credo, qui affirme que le Saint-Esprit procède non seulement du Père, mais aussi du Fils.

Cette modification a été introduite par l'église catholique au Moyen Âge, mais a été rejetée par l'église orthodoxe en raison de son interprétation théologique différente de la Trinité. Les orthodoxes estiment que le Saint-Esprit procède uniquement du Père, tandis que les catholiques affirment que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils ensemble. Le filioque est donc un point de discorde majeur entre les deux branches du christianisme et a contribué à leur séparation.

Nous verrons donc dans un premier temps ce qui est défini plus précisément par le terme "Filioque". Par la suite, nous verrons en quoi le Filioque est présent dans la Bible ce qui nous permettra troisièmement d'aborder le point de vue des Pères et Docteurs de l'Eglise sur le sujet. Enfin, nous répondrons plus spécifiquement aux objections restantes données par les orthodoxes. 

Trinité

Le Filioque, c'est quoi ?

Le Filioque est la doctrine véritable selon laquelle le Saint-Esprit ne procède pas seulement du Père, mais bien du Père et du Fils. Le Saint-Esprit est le fruit de l'amour éternel qui unit le Père et le Fils, et donc procède à la fois du Père et du Fils. Le Filioque n'est évidemment pas quelque chose d'inventé sans fondement, mais bien la déduction par les Docteurs et les Pères de l'Église d'une réalité présente dans la Bible. Nous verrons par la suite que les Pères de l'Église, et notamment Saint Augustin, se proclamaient déjà de la doctrine du Filioque.

Cette réalité du Filioque, en plus d'être présente dans la Bible, est une réalité métaphysique obligatoire pour la bonne corrélation des relations divines, mais nous y reviendrons ultérieurement. Il convient d'abord de voir en quoi le Filioque est directement introduit dans la Bible à de nombreux endroits.

Trinité

Le Filioque dans la Bible

Le Filioque est bien présent dans la Bible à de nombreux endroits il est implicitement exprimé que ce soit sur son fond, comme sur sa forme :
 
  • Jean 15:26 : « Quand sera venu le Consolateur, que je vous enverrai d’auprès du Père, l’Esprit de vérité, qui procède du Père, il rendra témoignage de moi. » Ici ce verset indique que le Saint-Esprit est envoyé par le Père et témoigne de Jésus-Christ. Attention, la mention de l'envoi du Saint-Esprit « d’auprès du Père » ne signifie pas que le Fils n'y est pas impliqué, mais plutôt que le Saint-Esprit procède également du Fils, qui l'envoie avec le Père.
 
  • Jean 16:13-15 : « Quand il sera venu, lui, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans la vérité tout entière. Car il ne parlera pas de lui-même, mais il dira tout ce qu’il aura entendu et vous annoncera les choses à venir. Il me glorifiera, car il recevra de ce qui est à moi pour vous le faire connaître. Tout ce que possède le Père est à moi ; voilà pourquoi je vous ai dit que l’Esprit reçoit de ce qui est à moi pour vous le faire connaître. » Nous pouvons voir dans ce passage une indication que le Saint-Esprit reçoit de Jésus-Christ ce qu'il doit enseigner aux disciples. Nous en déduisons que le Saint-Esprit doit donc procéder du Fils, qui lui donne ce qu'il doit communiquer. 
 
  • Romains 8:9-11 : « Pour vous, vous n’êtes pas dans la chair, mais dans l’Esprit, puisque l’Esprit de Dieu habite en vous. Si quelqu’un n’a pas l’Esprit du Christ, il ne lui appartient pas. Mais si le Christ est en vous, le corps, il est vrai, est mort à cause du péché, mais l’Esprit est vie à cause de la justice. Et si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus-Christ d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels, par son Esprit qui habite en vous. » Ce passage exprime clairement une indication que le Saint-Esprit est appelé à la fois « l’Esprit de Dieu » et « l’Esprit du Christ », cela implique que le Saint-Esprit procède du Fils, tout comme il procède du Père.
 
  • 1 Corinthiens 2:10-11 : « Car c’est à nous que Dieu l’a révélé par l’Esprit ; car l’Esprit sonde tout, même les profondeurs de Dieu. Qui donc parmi les hommes connaît les choses de l’homme, si ce n’est l’esprit de l’homme qui est en lui ? De même, personne ne connaît les choses de Dieu, si ce n’est l’Esprit de Dieu. » Nous pouvons voir dans ce passage une similitude entre l'Esprit de l'homme et l'Esprit de Dieu. Ce verset exprime donc que l'Esprit de Dieu procède à la fois du Père et du Fils, tout comme l'esprit de l'homme procède de lui-même et de sa nature humaine. 
 
  • Galates 4:6 : « Et parce que vous êtes fils, Dieu a envoyé dans nos cœurs l’Esprit de son Fils qui crie : Abba ! Père ! » Enfin, nous voyons ici une indication que le Saint-Esprit est l'Esprit du Fils, tout comme il est l'Esprit du Père, cela implique que le Saint-Esprit procède du Fils, tout comme il procède du Père.
Le Filioque est donc difficilement niable lorsque l'on se penche sur la Bible, même si les orthodoxes continuent de le nier en invoquant une erreur d'interprétation. Malheureusement pour eux, ce n'est pas le seul argument en faveur du Filioque. 
Trinité
 

Le Filioque selon les Pères de l'Eglise 

De nombreux Pères de l'Eglise se sont proclamé en faveur du Filioque. Cependant, pour commencer nous dirons que ce n'est pas parce que une plus grande majorité ne s'est pas prononcée sur le sujet qu'il s'agit d'une négation du Filioque.

Nous citerons Photius qui disait "Si dix ou même vingt Pères ont dit cela, six cents ou encore une multitude ne l’ont pas dit. Quels sont ceux qui offensent les Pères ? Ne sont-ce point ceux qui, emprisonnant la foi intègre de ces quelques Pères dans certains mots et les plaçant en contradiction avec les conciles, les préfèrent à la foule innombrable (des autres Pères) ? Ou bien sont-ce ceux qui choisissent pour défenseurs tous les autres Pères ? Qui fait offense aux bienheureux AugustinJérôme et Ambroise ? Est-ce celui qui les force à rentrer en contradiction avec notre commun Maître et Précepteur, ou bien est-ce celui qui, ne faisant rien de semblable, désire que tous suivent le décret du Maître commun ? »

  • Tertullien affirmait dans sa lettre contre Praxéas : « Par conséquent, d’après la nature de ces exemples, je déclare que je reconnais deux personnes, Dieu et son Verbe, le Père et son Fils. Car la racine et l’arbre sont deux choses, mais unies; la source et le ruisseau sont deux espèces, mais indivises; le soleil et le rayon son’ deux formes, mais adhérentes. Toute chose qui sort d’une autre est nécessairement la seconde par rapport à celle dont elle sort, mais sans en être nécessairement séparée. Or, il y a un second, là où il y a deux ; il y a un troisième, là où il y a trois. Car le troisième est l’Esprit qui procède de Dieu et du Fils, de même que le troisième par rapport à la racine est le fruit sorti de l’arbre; le troisième par rapport à la source est le ruisseau qui sort du fleuve; le troisième par rapport au soleil est la lumière qui sort du rayon. Aucun d’eux toutefois n’est étranger au principe dont il tire ses propriétés. De même la Trinité descend du Père comme de sa source, à travers des degrés qui s’enchaînent indivisiblement l’un à l’autre sans nuire à la monarchie, disons mieux, en protégeant l’essence de l’économie. »
  • Saint Hilaire de Poitier affirmait quand à lui dans "De Trinitate, XII, 57 : « Faites, ô Seigneur que je reste toujours fidèle à ce que j’ai professé dans le symbole de ma régénération, lorsque j’ai été baptisé dans le Père, dans le Fils et dans l’Esprit Saint. Faites que je vous adore, Notre Père, et en même temps que Vous, que j’adore Votre Fils; faites que je mérite Votre Esprit Saint, qui procède de Vous à travers Votre Fils unique. Amen.»
  • Saint Athanase affirmait lui de manière clairement explicite : « Notre sainte mère l’Eglise, ici réunie, condamne les auteurs de cette hérésie, c’est-à-dire les Ariens, et affirme que le Saint Esprit est incréé, vrai Dieu, personne procédant des personnes du Père et du Fils, coessentiel à ces mêmes personnes. »
  • Enfin, nous terminerons par Saint Epiphane "Anchoratus" : « Le Saint Esprit est une hypostase véritable, qui ne diffère en rien de l’essence du Père et du Fils, qui ne leur est étrangère en aucune façon, et tirant sa nature de leur propre essence; mais une personne distincte en soi et procédant des personnes du Père et du Fils

Il existe encore bon nombres d'exemples et des dizaines d'autres Pères de l'Eglise qui soutiennent explicitement la thèse du Filioque. Cependant, tous les énumérés ici ne serait pas aider les plus débutants. Ainsi, si vous souhaitez rentrer encore plus en détail sur le sujet du Filioque chez les Pères de l'Eglise nous vous conseillons ce formidable article de Blog écrit par philosophieduchristianisme disponible en cliquant ici : "Le Filioque chez les Pères de l'Eglise"

Trinité

Réponses aux objections soutenues par les orthodoxes 

Les orthodoxes disent que nous pouvons différencier le Fils du Saint-Esprit parce que, le Fils est engendré, non spiré, et l'Esprit-Saint spiré, non engendré.

C'est Saint Thomas D'Aquin, l'un de plus grand et plus important Père de l'Eglise qui va réfuter cette objection en expliquant métaphysiquement la doctrine du Filioque. 

Il exprime notamment : « Qu'on ne dise pas, dit-il, que pour faire cette distinction des Personnes, il suffit de l'opposition qui est entre l'affirmation et la négation : car une telle opposition suppose la distinction, mais ne la cause pas, tout être se distinguant d'un autre ou des autres par quelque chose qui lui est inhérent à titre de substance ou à titre d'accident; que ceci, en effet, ne soit pas cela, cela provient de ce qu'ils sont distincts. Pareillement, il est manifeste que la vérité de toute proposition négative, s'il s'agit d'êtres qui existent, se fonde sur la vérité d'une proposition affirmative : ainsi la vérité de cette négative : l'Éthiopien n'est pas blanc, est fondée sur la vérité de cette affirmative : l'Éthiopien est noir. Il suit de là que toute différence qui est constituée par l'opposition de l'affirmation et de la négation doit se ramener à la différence d'une opposition affirmative. Par conséquent, il ne se peut pas que la première raison de la distinction entre le Fils et le Saint-Esprit soit que le Fils est engendré, non spiré, et l'Esprit-Saint spiré, non engendré, à moins qu'on ne présuppose entre la génération et la spiration, et entre le Fils et l'Esprit-Saint, la distinction causée par l'opposition de deux affirmations, savoir que le Fils est spirant, et que le Saint-Esprit est spiré. »

Explication de la réponse énuméré par Saint Thomas d'Aquin :

- Le Fils procède du Père par génération.

- Le Saint-Esprit procède du Père par spiration.

- Génération ≠ spiration. -

-« Acte de génération » ≠ « Acte de spiration ».

Or, dans le Christianisme les personnes de la trinité sont distinguées les unes des autres par leur relation d'origine. Par conséquent Le Père se distingue des deux autres Personnes de la Trinité car il est le seul à Générer. Pour le Fils et le Saint Esprit c'est déjà un peu plus compliqué. En effet, si on nie le Filioque comme les orthodoxes le font il est strictement impossible de distinguer le Fils du Saint Esprit car comme dit précédemment la distinction dans la trinité ne se fait pas en fonction de ce dont ils font l'objet mais bien de ce qu'ils sont par conséquent cette distinction doit être dans leur principe d'origine. Une seule solution est donc possible, il faut que le Fils soit spirant et le Saint Esprit soit spiré. C'est la doctrine du Filioque, ainsi selon cette vérité le Saint Esprit procède bien du Père et du Fils. 

Enfin, il existe une reproche faite par les orthodoxes qui tiennent à dire que l'Eglise n'avait aucun droit pour modifier le Crédo affirmé au Concile de Nicée. 

La théologie orthodoxe affirme que l'ajout du Filioque au symbole est illégal car cela a été fait par l'Église romaine et non par un concile œcuménique, et aussi de manière inopportune. Cependant, pour répondre à cette objection, il faut tenir compte du fait que l'Église romaine a reçu des prérogatives uniques depuis sa fondation, notamment que les évêques de Rome exercent un magistère infaillible dans l'Église universelle.

Par conséquent, les définitions dogmatiques de l'Église romaine et des conciles œcuméniques sont mises sur un pied d'égalité. Ainsi, l'Église romaine a le droit d'insérer de nouvelles explications dogmatiques dans le symbole, y compris le Filioque. Le Filioque n'est qu'une confirmation explicite d'une vérité déjà contenue implicitement dans le symbole. En effet, ce que l'on affirme du Père s'attribue nécessairement au Fils, car le Père et le Fils diffèrent uniquement en ce que le Père est Père et le Fils est Fils. Cependant, en raison des erreurs qui remettaient en question la vérité de la procession du Saint-Esprit du Fils, il était opportun d'insérer cette même vérité dans le symbole. Ainsi, le Filioque n'est pas une addition illégitime, mais une interprétation explicite d'une vérité implicitement professée.

L'Église romaine a donc simplement exprimé dans le symbole une vérité préexistante, remplissant son rôle providentiel consistant à mettre en lumière les vérités de la foi lorsque les hérésies tentent de les obscurcir. En somme, l'Église romaine a agi de manière justifiée en ajoutant le Filioque au symbole.

Pour rentrer plus en détail sur le sujet nous vous conseillons encore ce magnifique article de philosophieduchristianisme disponible juste ici : "L'ajout du Filioque au Symbole".

Trinité

Conclusion 

Pour conclure, il est donc véritable d'affirmer que le Filioque est une doctrine véritable, présente dans la Bible et soutenue implicitement ou explicitement par un grand nombre de Pères et Docteurs de l'Église. Enfin, son existence est métaphysiquement obligatoire pour la bonne existence des relations entre les Personnes divines de la Trinité, et son ajout au Credo du Concile de Nicée n'a rien d'illégal, bien au contraire.

Si vous souhaitez en savoir plus sur l'histoire des Conciles dans le Christianisme afin de mieux comprendre comment la vérité a pu perdurer à travers les siècles notre article de blog "Les Conciles dans l'histoire chrétienne" devrait fortement vous intéresser.